GILETS JAUNES : NE VOUS RESIGNEZ PAS !
« Ne vous résignez pas à ce que devient
la France. Levez- vous ! Le moment est venu. » C’est bien ce qu’ont fait les Français, dans ce
mouvement social inédit des Gilets Jaunes qui n’a pas vraiment surpris les
observateurs attentifs. Ni bien-sûr les retraités et les travailleurs pauvres
qui se vivent comme les vaches à lait de l’Etat et des gouvernants.
Peu
y croyaient vraiment. La crise était annoncée pourtant, depuis de nombreuses
années.
Une manifestation des Gilets Jaunes en France |
UNE CRISE ANNONCEE
En voici trois exemples :
-Dès
1995, le sociologue Michel Crozier, auteur de « La Société bloquée »
publiait l’ouvrage « La crise de l’intelligence (Essai sur l’impuissance
des élites à se réformer) », indiquant alors :
« La
société française est bloquée par une crise profonde de l’intelligence à la française.
Il n’y a pas un mal français mais un mal des élites françaises. C’est donc à
une véritable révolution intellectuelle qu’appelle ce livre, pour que nous
puissions affronter sereinement le siècle qui vient. »
-En
2011, le groupe de réflexion Les Gracques (« Ce qui ne peut plus durer »
éditions Albin Michel) alertait :
« Les
gouvernants recevront leur mandat d’une société fracturée par la défiance, les
inégalités et le corporatisme. L’effort sera rude pour chacun, mais la survie
de notre modèle social est en jeu. Tellement rude que, cette fois-ci, les
élites vont devoir donner l’exemple. »
-
En 2016, Bruno Le Maire écrivait dans son livre « Ne vous résignez
pas » :
Ne
vous résignez pas ! « Ne vous résignez pas à une nation qui
tombe ! A un système administratif et fiscal devenu fou ! Vous avez
le pouvoir. Prenez-le ! Le moment est venu. »
L’INCOMPREHENSION ET LA COLERE
Après
l’élection d’Emmanuel Macron, les syndicats sont relégués aux oubliettes, les
retraités sont taxés… Les petites phrases assassines du président de la
République se succèdent.
Le
cauchemar démarre par une incompréhension et une colère qui ne s’éteignent pas
depuis l’annonce de la baisse à 80 km/h sur les routes secondaires et de
l’augmentation du carburant automobile. Une opposition qui s’accompagne d’un
sentiment d’injustice face au diktat parisien
LA BOURRASQUE S’EST TRANSFORMEE EN TEMPETE
Retraités,
petits salaires : les Gilets Jaunes apparaissent et occupent les
ronds-points de la France des provinces. Semaine après semaine, ils descendent
sur Paris.
Dans
cette France où l’ascenseur social est plus que jamais en panne, ils expriment
ce que veulent les Français : pouvoir d’achat, impôts, taxes, retraites,
train de vie de l’Etat, dépenses publiques, justice sociale, démocratie
représentative et participative…
Les
revendications sont déjà connues. Mais quelque chose de nouveau est
apparu : un langage différent, l’idée que l’on a raison de se révolter et
une détermination qui ne faiblit pas sont les trois ingrédients qui produisent
cette force tranquille que rien ne semble au fil des semaines pouvoir arrêter.
POUR UNE SOCIETE DU RESPECT
A
défaut de solution, les autorités ont trouvé un nom. Selon le président de la
République et le ministre de l’Intérieur les « séditieux », les
« factieux » sont à la manœuvre parmi les Gilets Jaunes.
Mais
en réalité, les gouvernants, les médias et les élites doivent au fil des
semaines faire face à une relation abîmée. Ecornée par ce que certains
appelleront le tsunami de la défiance.…
Que
les élites montrent enfin l’exemple est désormais l’une des exigences de la
revendication.
Les
Gilets Jaunes n’ignorent pas que le mal français ne se règlera pas d’un coup de
baguette magique.
Mais
ils veulent que l’autorité publique prenne en compte leur demande de pouvoir
d’achat, de sécurité, de justice, d’information, de démocratie.
LES GILETS JAUNES ONT DEJA GAGNE
Certains
voient dans cette crise des Gilets Jaunes « l’enfant » de ce grand
mouvement de grève il y a 10 ans contre la vie chère qui avait alors marqué
l’entrée de la question sociale dans le paysage martiniquais. Peut-être bien.
En
tout cas, à mon avis, les Gilets Jaunes ont déjà gagné. Tout ce qu’ils
souhaitent ne pourra pas toujours se réaliser, mais des pistes se dessinent.
Tandis
qu’atteint d’une forme avancée de déni le gouvernement se réjouit de leurs
divergences internes et tente, à coups de débats, de noyer le poisson, les
Gilets Jaunes, au-delà de leurs marches et des Actes successifs de leur
mouvement, ont renouvelé l’espoir français d’une réforme juste et d’une société
du respect.
C’est
sans doute là l’essentiel du message des Gilets Jaunes aux élites.
La
France, elle, saura-t-elle saisir cette chance ?
Jean-Pierre
MAURICE